Texte 2 : Deux héroïnes face à Pyrrhus
Pyrrhus a
accepté d’épouser Hermione et de livrer Astyanax aux Grecs. Alors qu’il vient
parler à Hermione, avec son confident Phœnix, il rencontre par hasard
Andromaque, accompagnée de Céphise.
|
Texte écho : Jean Racine, Andromaque (1667)
Hermione apprend que Pyrrhus préfère épouser Andromaque
par amour plutôt qu’elle-même par devoir.
|
PYRRHUS, à Phœnix – Où
donc est la princesse1 ?
Ne m’avais-tu pas dit qu’elle était en ces lieux ? PHŒNIX. – Je le croyais. ANDROMAQUE, à Céphise – Tu vois le pouvoir de mes yeux2. PHYRRUS. – Que dit-elle, Phœnix ? ANDROMAQUE. – Hélas ! tout m’abandonne. PHŒNIX. – Allons, Seigneur, marchons sur les pas d’Hermione. CÉPHISE. – Qu’attendez-vous ? Rompez ce silence obstiné. ANDROMAQUE. – Il a promis mon fils. CÉPHISE. – Il ne l’a pas donné. ANDROMAQUE. – Non, non, j’ai beau pleurer, sa mort est résolue. PYRRHUS. – Daigne-t-elle sur nous tourner au moins la vue ? Quel orgueil ! ANDROMAQUE. – Je ne fais que l’irriter encor. Sortons. PYRRHUS. – Allons aux Grecs livrer le fils d’Hector. ANDROMAQUE. – Ah ! Seigneur, arrêtez ! Que prétendez-vous faire ? Si vous livrez le fils, livrez-leur donc la mère. Vos serments m’ont tantôt juré tant d’amitié : Dieux ! ne pourrai-je au moins toucher votre pitié ? Sans espoir de pardon m’avez-vous condamnée ? PYRRHUS. – Phœnix vous le dira, ma parole est donnée. ANDROMAQUE. – Vous qui braviez pour moi tant de périls divers ! PYRRHUS. – J’étais aveugle alors : mes yeux se sont ouverts.
Jean Racine, Andromaque, acte
III, scène 6, 1667.
|
HERMIONE. – Je ne t’ai
point aimé, cruel ? Qu’ai-je donc fait ?
J’ai dédaigné pour toi les vœux de tous nos princes ; Je t’ai cherché moi-même au fond de tes provinces ; J’y suis encor, malgré tes infidélités, Et malgré tous mes Grecs honteux de mes bontés. Je leur ai commandé de cacher mon injure ; J’attendais en secret le retour d’un parjure ; J’ai cru que tôt ou tard, à ton devoir rendu, Tu me rapporterais un cœur qui m’était dû. […] Vous1 ne répondez point ? Perfide, je le voi2, Tu comptes les moments que tu perds avec moi ! Ton cœur, impatient de revoir ta Troyenne, Ne souffre3 qu’à regret qu’une autre t’entretienne. Tu lui parles du cœur, tu la cherches des yeux. Je ne te retiens plus, sauve-toi de ces lieux : Va lui jurer la foi que tu m’avais jurée, Va profaner des Dieux la majesté sacrée. Ces Dieux, ces justes Dieux n’auront pas oublié Que les mêmes serments avec moi t’ont lié. Porte aux pieds des autels ce cœur qui m’abandonne ; Va, cours. Mais crains encor d’y trouver Hermione.
Jean Racine, Andromaque, acte IV,
scène 5, 1667.
|
1. Pyrrhus parle d’Hermione.
2. Alors qu’Andromaque
suppliait Hermione de sauver son fils, celle-ci lui a répondu : « S’il
faut fléchir Pyrrhus, qui le peut mieux que vous ? / Vos yeux assez
longtemps ont régné sur son âme. » (III, 4)
|
1. Hermione vouvoie Pyrrhus.
2. Le -s final de la première
personne se prononce encore au XVIIe siècle. Pour la rime, on ne
l’écrit donc pas dans les textes versifiés.
3. Supporte.
|
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire